Les activités spatiales connaissent aujourd’hui un nouvel âge de leur évolution.
Après avoir fait l’objet, au cours des deux dernières décennies du XXème siècle,
d’un double mouvement de privatisation et de commercialisation, elles entrent
dans l’ère de la fabrication en série des satellites et des opérations d’assemblage
en orbite. L’espace profond est un lieu d’exploration, cependant que l’espace
proche est au centre d’une activité d’exploitation intensive. Le rythme de cette
évolution pourrait s’accélérer avec le lancement et la mise en service de
constellations de milliers de petits satellites et le développement d’activités
de services en orbite. Par les nombreux défis juridiques qu’il lance à la communauté
des internationalistes, le développement des activités spatiales appelle des solutions
juridiques innovantes et constitue le laboratoire du droit international de demain
public et privé.
Le régime international des activités spatiales a été posé, dès la fin des années
soixante, dans un contexte de guerre froide et alors que les activités spatiales
étaient encore largement expérimentales. Les traités et principes en vigueur
sont-ils toujours adaptés au marché des activités spatiales ? Peut-on se satisfaire
de la surenchère actuelle des lois nationales ? Faut-il laisser les organisations
en place élaborer un corps de règles non contraignantes (soft law) ? Le moment
est-il venu de tracer une frontière entre espace aérien et espace extra-atmosphérique ?
Les débris accumulés dans l’espace proche sont désormais un véritable défi pour
l’avenir des activités spatiales qu’ils pourraient compromettre. Faut-il revoir
les règles relatives à l’immatriculation des objets spatiaux ? L’accumulation
de débris spatiaux est-elle assimilable à une « pollution » éligible
aux règles du droit international de l’environnement ? Les solutions du droit
international de la mer sont-elles transposables à l’espace extra-atmosphérique
(régime des responsabilité, salvage clauses) ? Quels seraient les contours
d’une organisation internationale spécialisée dans la gestion des activités
spatiales civiles et de leur trafic dans l’Espace ?
Le développement des activités spatiales et les perspectives commerciales qu’elles
ouvrent, stimulent les ambitions de groupes multinationaux et de nations. La donnée
spatiale est-elle un nouvel « actif » industriel ou commercial ?
Quelles adaptations apporter au régime des fréquences et des positions orbitales ?
Le principe de non-appropriation est-il toujours pertinent ? La proximité des États
et des opérateurs dans les nations du club spatial peut-elle donner lieu à un
contentieux sur le terrain des aides d’État ?
Au-delà des activités d’exploration dans l’espace profond et d’exploitation dans
l’espace proche, l’espace est aujourd’hui gagné par l’esprit de conquête, qui
a marqué tant d’épisodes, heureux ou malheureux, de l’histoire des relations
internationales. Le droit international public s’appliquera-t-il sur Mars ?
Quel droit au sol et selon quel modèle (mines, fonds marins) ? Quelles règles
applicables aux villages lunaires et à leurs habitants, pour des séjours de longue
durée (accouchements sur la Lune ou sur Mars, rétro-applications sur terre
d’avancées scientifiques majeures …) ?
L’Espace se militarise. La France, après les États-Unis, se dote d’un Commandement
de l’Espace, dont l’objectif est de « disposer d’une défense spatiale renforcée »
et d’une « autonomie stratégique » dans le domaine de l’Espace. Va-t-on
vers de nouvelles formes de conflits armés ? Le droit de la guerre est-il
applicable à l’Espace ? Quelle politique européenne de défense spatiale,
au-delà des initiatives de quelques-uns de ses États-Membres ?